DANS LES COULISSES DES EFFETS VISUELS DE TENET

LE SUPERVISEUR DES EFFETS VISUELS ANDY LOCKLEY PLONGE DANS L’UNIVERS DE TENET

Ayant travaillé sur tant de productions de Christopher Nolan, qu’est-ce qui, selon vous, est gage de collaboration réussie avec lui?

Je pense qu’il y a quelques éléments clés qui ont contribué à une relation fructueuse avec Christopher Nolan. Tout d’abord, nous savons quel est notre rôle dans la réalisation de son film; il s’agit toujours de soutenir son histoire, et non de faire étalage des effets visuels. C’est très cliché de parler ainsi, mais avec Chris, moins c’est plus. Cela signifie que nous devons être prêts à faire preuve d’une grande souplesse, sans trop nous attacher à notre travail. Si la moitié des éléments que nous avons créés ne sont pas retenus dans son film, et si nous avons consacré en vain des mois d’essais et de recherches, eh bien, qu’il en soit ainsi.

Deuxièmement, nous avons appris à toujours utiliser des références du monde réel pour soutenir les idées que nous essayons de lui vendre. Si nous inventons quelque chose de purement imaginaire, il est plus que probable qu’il ne l’achètera pas. Même les effets les plus fantastiques que nous avons réalisés pour lui au fil des ans ont toujours eu un fondement dans la réalité, avec une référence au monde réel ou des recherches scientifiques pour les étayer. Tous les éléments, même certains des plans les plus bizarres d’Interstellar, peuvent être rattachés à quelque chose de la vie réelle.

Troisièmement, j’aime croire qu’après toutes ces années, nous avons maintenant une petite idée de la façon dont fonctionne Nolan et qu’il est possible de prendre certains raccourcis entre nous. Cela signifie qu’il n’a plus besoin d’expliquer les règles de base quant à la façon dont il veut que les choses se fassent. Nous avons une idée plus précise de ce qui va bien passer et de ce qui risque d’être rejeté, mais malgré cela, il nous arrive encore de nous tromper.

La plupart des projets sur lesquels vous avez travaillé avec Nolan – Interstellar, Inception et la trilogie de Dark Knight – étaient des films de sicence-fiction ou issus de bandes dessinées sombres ou les effets visuels étaient un peu plus visible que dans TENET et Dunkerque. Vous préparez-vous différemment ou changez-vous votre approche pour ce type de projet?

Non, pas vraiment, ce qui peut sembler étrange. Selon moi, l’une des raisons pour lesquelles Christopher Nolan aime travailler avec nous, c’est que nous avons compris que, quel que soit le film qu’il réalise, nous devons être prêts à toute éventualité. Si nous avions besoin, de manière inattendue, d’un plan en infographie 3D de Batman luttant contre deux hommes dans une cage d’escalier, ou si nous devions reconstruire un plan entier en 35 mm pour le faire fonctionner en IMAX, nous pourrions le faire parce que nous avons pris des centaines de milliers de photos et utilisons la télédétection par lidar pour chaque lieu, décor, véhicule et acteur, juste au cas où. D’ailleurs, « juste au cas où » est une expression que nous utilisons souvent pendant le tournage. Nous essayons littéralement de capturer tout ce que nous pouvons pendant le tournage, au cas où nous devrions soudainement apporter une correction imprévue. C’est pourquoi nous finissons par être très présents sur le plateau, même pour les films dont le montage final comporte relativement peu de plans d’effets visuels.

Christopher Nolan est connu pour être un réalisateur qui aime capturer le plus de choses possibles à la camera. Pouvez-vous nous parler de votre expérience de travail des effets spéciaux et de la collaboration entre les équipes des effets visuels et des effets spéciaux?

Il y a toujours eu beaucoup de collaboration entre nous et l’équipe des effets spéciaux, en particulier au moment de la préproduction, donc, cela ne me concerne pas spécialement. Ce sont surtout Paul Franklin et Andrew Jackson qui s’en occupent. Ma participation aux effets spéciaux se fait généralement pendant le tournage lui-même, lorsque nous déterminons quels éléments de l’installation doivent être ajustés pour réduire les correctifs, ou lorsque nous tournons des éléments pratiques pour une utilisation ultérieure. Dans certains cas, je participe également au tournage des éléments miniatures. Interstellar avait un programme de tournage miniature assez long pour les vaisseaux spatiaux, et j’y ai participé activement.

Vous avez une filmographie impressionnante, mais avez-vous appris quelque chose de nouveau en travaillant sur TENET?

J’ai appris que mon esprit n’était pas conçu pour penser à l’envers et à l’endroit en même temps.

Combien de temps ce projet a-t-il duré et quelle était la taille de l’équipe de DNEG?

J’ai travaillé sur le film pendant un peu plus d’un an et, pendant cette période, environ 300 personnes participaient au projet.

Quel était votre plan préféré?

Je ne pense pas avoir un seul plan préféré, mais il y a certains segments de la bataille finale qui fonctionnent assez bien ensemble. Par exemple, les images présentant des soldats à l’endroit et d’autres à l’envers sont si fluides que j’ai moi-même du mal à me rappeler ce que nous avons fait exactement pour chaque plan.

Quel a été le plan le plus difficile à réaliser et pourquoi?

L’entropie inversée sur la voiture du protagoniste qui se retourne et explose a été un vrai défi. Nous avons passé beaucoup de temps à travailler pour rendre cette scène spécialement intéressante, sans nous contenter d’inverser l’image. On peut voir du feu et de la fumée en modes entropie normale et entropie inversée, ainsi que des débris qui sont projetés puis réaspirés d’une réalité à l’autre. Il y a beaucoup de détails très subtils, et c’est un excellent exemple des défis techniques presque impossibles à résoudre auxquels Mike et son équipe des effets visuels ont été confrontés.

Nolan est connu pour tourner toutes ses œuvres sur pellicule, et souvent avec des caméras IMAX. Quels sont les défis de ce pipeline de production pour les effets visuels?

Je pense qu’après sept films, nous l’avons bien cerné, et l’étalonnage, qui avait toujours été problématique auparavant, a été simplifié pour le rendre beaucoup plus facile à cerner de notre point de vue. L’ensemble du pipeline de production est orienté vers une finition photochimique (il n’y a pas d’intermédiaire numérique au sens traditionnel du terme dans aucun des films de Christopher Nolan), et une telle approche avait toujours été très difficile et très longue pour nous, car nous tâchions de faire correspondre l’étalonnage aux extraits de films et devions attendre les rapports de tirage de Los Angeles pour savoir si nous avions vu juste. C’était donc un processus très lent et nécessitant sans cesse de nombreux ajustements. Travailler avec la numérisation IMAX, en format 6,3K, présente aussi son lot de difficultés, mais, de nos jours, les ordinateurs que nous utilisons pour ce genre de projet sont beaucoup plus efficaces qu’à l’époque de notre premier film IMAX avec Nolan. Le rendu et la simulation d’une telle résolution représentent néanmoins un effort considérable.

DNEG collabore avec Christopher Nolan depuis plus de dix ans maintenant, et vous avez joué un rôle essentiel dans cette collaboration. Qu’avez-vous retenu de votre travail sur les projets de Nolan qui a influencé votre travail de superviseur des effets visuels sur d’autres productions?

Ne vous embourbez pas dans des détails qui n’intéressent personne en dehors du domaine des effets visuels. Chris a une grande capacité à déterminer ce qui est important et ce qui ne l’est pas, c’est-à-dire les éléments qui sont essentiels dans chaque plan pour raconter l’histoire et ceux que le public ne remarquera pas ou dont il se soucie peu. Il est très facile de se perdre en se demandant s’il y a assez de détails dans un modèle ou si la continuité des nuages dans le ciel correspond d’un plan à l’autre, en négligeant complètement ce qui est important, soit de raconter l’histoire clairement. Chris est très rapide pour nous indiquer quand nous nous égarons de cette façon. J’ose croire que j’ai développé ce type d’instinct, du moins en partie, et que cela pourra m’être utile dans d’autres productions.

Dites-nous quelque chose que nous ne savons pas sur le tournage de TENET.

Pendant le tournage de la bataille finale, il y avait tellement de serpents sur le plateau que nous avons dû engager un chasseur de serpents professionnel, dont le travail consistait chaque matin à rassembler tous les serpents sur le lieu de tournage.

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